Consommation de masse

Conclusion

Nos recherches sur Andy Warhol nous ont permis de parcourir plusieurs domaines de son activité artistique. En faisant ceci, nous nous sommes rendu compte de la richesse des sources disponibles en ligne. Toutefois, la sélection des ressources scientifiques sur ce sujet n’était pas facile : la plupart du temps, nous ne retrouvions que des informations très superficielles sur l’artiste, comme par exemple celle d’un homme qui n’hésitait pas à choquer le public en affirmant ostensiblement son désir d’argent. Elles n’étaient, dans la plupart des cas, évidemment pas accompagnées de l’analyse du contenu de l’œuvre de l’artiste. Pour parvenir à une analyse approfondie, nous avons utilisé les sources provenant principalement de plateformes comme Isidore ou Cairn. Nous avons également cherché les informations directement sur les sites des musées et dans les catalogues d’exposition.

Notre sujet de recherche était bien particulier : nous avons voulu dépasser la vision trop limitée de Warhol, qui en fait seulement un artiste Pop par excellence.

Au fur et à mesure de l’analyse, nous avons découvert que bien souvent, des œuvres considérées comme purement Pop, contiennent une dimension plus profonde. C’est le cas par exemple des fameux portraits de stars, ils contiennent bien souvent l’évocation de la mort, comme le témoigne Ten Lizes. Quant à la Factory, qui semble être un lieu au sein duquel Warhol exprime le principe de l’artiste-machine, elle représente également le caractère d’une œuvre d’art totale.

Nos recherches ont confirmé qu’une des thématiques sous-jacentes de l’œuvre de Warhol est celle de la mort : on peut voir qu’elle est déjà suggérée dans les images de stars qui s’effacent progressivement. Elle trouve son apogée dans les séries des Autoportraits de l’artiste, où il semble sur le point de disparaître.

De plus, les œuvres d’Andy Warhol expriment souvent une critique sociale, comme par exemple la critique de la société de consommation de masse, visible aussi bien dans les séries des Campbell’s Soup et des Dollar Bills que dans plusieurs portraits. Durant sa carrière, l’artiste n’a pas hésité à montrer son désaccord avec la politique de l’état, comme par exemple dans Big Electric Chair ou Race Riots. On voit donc à quel point Warhol s’oppose au système américain de son époque.

Nous avons découvert également que certains sujets, comme celui de la consommation de la star par le spectateur, sont présents, non seulement dans l’œuvre picturale de Warhol, mais trouvent aussi leur place dans son cinéma. Le thème de la star constitue également le noyau de la collaboration entre l’artiste et le Velvet Underground. On voit donc qu’Andy Warhol avait une vision très large, au sein de laquelle il créait les liaisons entre plusieurs domaines d’activités artistiques.

Compte tenu de tout ceci, nous estimons pouvoir confirmer qu’il est bel et bien réducteur de considérer l’œuvre d’Andy Warhol comme traitant uniquement de sujets banals de manière répétitive. L’ensemble de sa production prend divers aspects qui vont bien au-delà du simple rattachement au mouvement du Pop art.

Aleksandra et Auriane

La représentation du banal

A la question « Pourquoi cette idée de peindre des boîtes de soupe ? », Andy Warhol répondait : « Parce que j’en consommais. J’ai pris le même déjeuner tous les jours pendant vingt ans, je crois bien recommencer toujours la même chose. Quelqu’un a dit que je subissais ma vie ; l’idée m’a plu. »

Un des sujets de prédilection de Warhol, qui s’apparenterait plutôt au Pop art, est bien de représenter des objets de consommation de masse. L’artiste reprend ainsi, en ne les modifiant que légèrement, des images de boîtes de soupe Campbell, de bouteilles de Coca Cola, de boîtes Brillo. Il a employé pour cela de la technique de la sérigraphie, qui lui permettait d’effacer toute trace personnelle et de renforcer l’impression de réalité de la représentation.

On peut donc remarquer que Warhol joue sur la notion d’illusion, de trompe-l’œil. On lit d’ailleurs sur le site du MoMa que lors d’une exposition en 1962 les montrant pour la première fois, les Campbell’s Soup Cans avaient été disposées ensemble, sur des étagères, comme pour simuler une allée d’épicerie. Jean-Olivier Majastre explique que « par les pouvoirs bien connus de l’illusion artistique, on nous fait passer la représentation pour la réalité, le titre pour le sujet ». Le fait de créer des œuvres qui imitent des produits ordinaires que l’on trouve dans les supermarchés et de les élever au rang d’icône, en les montrant dans les musées, provoque une déstabilisation des repères artistiques. Tout comme les ready-made de Duchamp, c’est bien parce qu’on déclare que ces représentations du banal sont des œuvres d’art qu’elles accèdent à ce rang. Comme on peut le lire dans le document créé par le service éducatif de l’Abbaye de Stavelot, Warhol utilise le pouvoir des images et remet aussi en question la notion d’œuvre d’art : « elle est désormais consommable, éphémère et reproductible ». L’œuvre de Warhol, qui symbolise bien l’« American way of life », questionne la société de consommation avec ironie et cynisme mais de manière ambiguë. On se demande ainsi si celle-ci est réellement critiquée ou au contraire admirée. De plus, le fait que l’œuvre s’inscrive au sein d’une série et que le motif soit également répété sur la toile amène à réfléchir sur la notion d’original, sur sa valeur et sur le commerce de l’œuvre d’art.

Andy Warhol, Campbell's Soup Can, 1962, acrylique et liquitex peint en sérigraphie sur toile, 50,8 x 40,6 cm, Museum of Modern Art, New York, copyright © LaJJoyce, source : Flickr.

Andy Warhol, Campbell’s Soup Can, 1962, acrylique et liquitex peint en sérigraphie sur toile, 50,8 x 40,6 cm, Museum of Modern Art, New York, copyright © LaJJoyce, some rights reserved. Source : Flickr. Licence : Creative Commons.

On remarque également un jeu de signatures entre le nom de la marque et le nom de l’artiste. Warhol reproduit un objet qui comporte un nom, « Campbell », et joue sur l’inversion du rôle de l’artiste et de celui de l’inventeur de la boîte de soupe. Comme l’expliquent Marie Fongond et Serge Lesourd, la célébrité du produit doit construire « la célébrité de l’œuvre elle-même, sa possible reproduction et son achat pour tous ». Jean-Olivier Majastre dit aussi que « l’ironie veut que l’artiste doive une grande partie de sa gloire à la série des boîtes de soupe Campbell alors qu’on peut prétendre avec autant de légitimité que Campbell doit aujourd’hui beaucoup de sa notoriété à la célébrité de Warhol. ». L’artiste rend donc ses œuvres et son nom aussi célèbres que l’objet qu’il imite.

Nous retrouvons également les mêmes éléments, lorsque Warhol représente l’argent. Il produit en effet la série des Dollar Bills, des toiles recouvertes de billets. Sur l’œuvre 200 One Dollar Bills, on peut observer des billets de banques de 1 dollar imprimés en noir et blanc et alignés impeccablement sur 10 colonnes et 20 rangées. On a donc une répétition du motif au sein de la toile. Cette démultiplication a pour effet la neutralisation même de l’image. On reproduit les œuvres tout comme on imprimerait des billets de banque ou comme on préparerait des produits dans une usine. L’artiste a d’ailleurs appelé son atelier « La Factory ».

Andy Warhol, 200 One Dollar Bills, 1962, sérigraphie sur toile, 235 x 204 cm, collection privée, copyright © erin williamson, source : Flickr.

Andy Warhol, 200 One Dollar Bills, 1962, sérigraphie sur toile, 235 x 204 cm, collection privée, copyright © Erin Williamson, some rights reserved. Source : Flickr. Licence : Creative Commons.

Pour expliquer comment il avait eu l’idée de peindre ces billets, Andy Warhol disait : « C’était l’une de ces soirées où je demandais à dix ou quinze personnes de me donner des idées, jusqu’au moment où une amie m’a posé la bonne question : « Qu’est-ce que tu préfères ? ». C’est ainsi que je me suis mis à peindre de l’argent. ». Tout comme les boîtes Campbell et les bouteilles de Coca Cola renvoient à la société de consommation américaine qui continuait de se développer dans les années soixante, le dollar symbolise l’Amérique. C’est grâce au billet que l’on achète des produits. C’est donc lui qui permet la consommation de masse et qui fait la richesse. De même, c’est l’argent présent sur le compte en banque d’une personne qui détermine la place qu’elle occupe dans l’échelle sociale. Le dollar est alors le symbole ultime du désir, de la valeur, de la nécessité et de la cupidité. Il représente aussi le culte de la richesse aux Etats-Unis puisqu’il est le rêve et la récompense du « self made man ». Comme l’écrit Klaus Honnef dans son livre Andy Warhol, de l’art comme commerce, Warhol en est d’ailleurs un exemple puisqu’il a commencé sa vie en bas de l’échelle sociale mais a finalement su se faire une place en tant que dessinateur publicitaire puis en tant qu’artiste.

On peut donc remarquer que le choix de certains sujets tels que l’argent, les produits de consommation courante, et la manière de les traiter, font d’Andy Warhol un artiste du Pop art. Cependant, on verra par la suite que bien qu’il continue d’employer les mêmes procédés pour créer ses œuvres, les thèmes choisis auront une dimension très différente et ne s’inscriront pas forcément dans le mouvement Pop. De plus, derrière l’aspect simpliste de ces œuvres, se cache sans doute une signification plus critique de la société de consommation américaine et de sa domination par le monde de l’argent.

Auriane

Référence bibliographique complémentaire :

Honnef K., Andy Warhol, de l’art comme commerce, Cologne, Benedikt Taschen, 1990.