Death Penalty

Big Electric Chair : une allégorie ambiguë de la mort

Andy Warhol, Big Electric Chair, 1967, Encre sérigraphique et peinture acrylique sur toile, 137,2 x 185,3 cm, Centre Pompidou, Paris, copyright © Andrea Cavalieri, some rights reserved. Source : Flickr.

Andy Warhol, Big Electric Chair, 1967, encre sérigraphique et peinture acrylique sur toile, 137,2 x 185,3 cm, Centre Pompidou, Paris, copyright © Andrea Cavalieri, some rights reserved. Source : Flickr. Licence : Creative Commons.

Alors qu’il peignait les Marylin, Andy Warhol a commencé la série des Death and Disasters. Cette grande série sur le thème de la mort en comprend également d’autres, comme celle des Electric Chair dont est issue Big Electric Chair. Comme l’écrit Alain Cueff, en 1964, lors de la première exposition personnelle d’Andy Warhol en Europe, à la galerie Sonnabend à Paris, ce dernier avait pensé lui donner comme titre Death in America. Cela aurait insisté sur le fait que « le style de vie américain restait spécifique jusque dans ses manières de mourir ».

Comme cela est expliqué sur le site de la Canadian Coalition Against the Death Penalty, la chaise électrique a été inventée par Harold Brown. Ce dernier était soutenu par Thomas Edison qui cherchait à montrer que le courant alternatif, promu par l’un de ses concurrents, Nikola Tesla, était plus dangereux que le courant continu puisqu’il provoquait la mort. Il s’agissait de décider si l’on allait équiper les foyers et les villes en courant continu ou en courant alternatif. Il y avait donc beaucoup d’argent en jeu. En 1890, la chaise électrique est utilisée pour la première fois sur un être humain. Elle deviendra ainsi le symbole de la violence et de la mort en Amérique et marquera tout le XXème siècle.

Les sites du Centre Pompidou et de la Tate nous informent que Warhol a repris plusieurs fois le sujet de la chaise électrique, notamment en raison de la controverse politique qui entourait la question peine de mort en Amérique dans les années 1960. En effet, après l’exécution de Caryl Chessman, un mouvement de protestation sans précédent s’est développé aux Etats-Unis. Warhol a représenté ses chaises électriques de manière très simple, sans aucun élément superflu, ce qui renforce l’impact de l’œuvre. L’utilisation de la technique de la sérigraphie lui donne une certaine distance et froideur. De plus, le décalage entre l’emploi de couleurs vives, le rouge ici, et l’objet représenté, choque. Mais comme il est écrit sur le site du Centre Pompidou : « cette représentation d’une chaise électrique dans la chambre d’exécution s’apparente, malgré ses couleurs, à une peinture noire porteuse d’une vision foncièrement pessimiste de la société américaine. Bien plus, cette icône sale, à la mauvaise définition, mal cadrée et dont le jeu des couleurs ne respecte pas l’organisation, n’est qu’un fantôme d’image. ».

Cette représentation d’une chaise électrique inoccupée, située dans une pièce vide, et qui laisse apparaître des détails inquiétants, comme les sangles servant à attacher les condamnés, devient donc une allégorie de la mort. Le spectateur est ainsi placé en confrontation directe avec elle. Cependant on décèle une certaine ambiguïté dans le message véhiculé par cette œuvre. Warhol, en représentant des chaises électriques, s’oppose-t-il simplement à cet instrument utilisé pour donner la mort ou bien cherche-t-il également à gagner de l’argent sur un fond de provocation ? On lit justement sur le site du Centre Pompidou que « pareille peinture traduit avant tout le commerce fasciné de l’artiste avec le rien, dont la frivolité, la surface, la répétition, la mort ne sont que les différents avatars ».

Warhol déclare d’ailleurs dans une phrase non dénuée de cynisme : « On n’imagine pas combien de gens accrocheraient un tableau de chaise électrique dans leur salon – surtout si les couleurs du tableau vont bien avec celles des rideaux. ».

Cette œuvre, en prenant pour thème un instrument utilisé pour donner la mort, se détache donc beaucoup de la partie de la production de Warhol associée au Pop art. Ici, bien que l’artiste reste ambigu sur les raisons qui l’ont poussé à opter pour ce sujet, on peut déceler dans le choix d’une telle représentation, une forme d’engagement. En effet, Warhol nous met de manière brutale face à la mort. Il nous choque et l’on se demande alors comment l’on peut « faire de l’art avec de telles atrocités », pour reprendre les termes de Clémence Bigel. Mais cette représentation déstabilisante vise sans doute aussi à amener le spectateur à une prise de conscience de ce qu’est réellement la condamnation à la chaise électrique.

Auriane